J’ai souhaité inviter à Saint-Apollinaire Joseph DAUL, Eurodéputé, président de la commission agriculture du Parlement Européen pour nous parler de l’agriculture car il s’est imposé comme un acteur pertinent de la politique agricole de notre pays et de l’Union Européenne.
La société et l’agriculture
Il m'apparait utile que notre société engage une réflexion objective sur le monde agricole ; d’abord que nos concitoyens découvrent les enjeux de l’agriculture de demain pour qu’une réconciliation de notre société avec les agriculteurs s’engage.
Trop souvent et de façon injuste, ils sont accusés de tous les maux : "pollueurs, assistés, grincheux et producteurs d’excédents qui coûtent chers" ! Et pourtant !
La capacité d’adaptation de l’agriculteur
Issu du monde paysan, moi-même, je sais combien les valeurs de travail, d’humilité face aux lois de la nature, de respect du patrimoine culturel sont indissociables de la nature même des gens de la terre.
Les agriculteurs assurent certes un travail de production, mais ils sont aussi les gestionnaires de l’espace rural. A ces titres, ils peuvent prétendre à une juste rémunération. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas ; ceci est d’autant plus insoutenable que les exploitants agricoles ont, de tous temps, su faire face à une nécessaire adaptation qui relève d’une véritable remise en cause de leur métier. Ainsi ils ont assuré l’autosuffisance alimentaire de notre pays après la pénurie de la première moitié du XX° siècle, puis l’exportation des excédents, contribuant favorablement à la balance commerciale de la France.
Ils ont transformé leurs exploitations pour en faire de vraies entreprises avec les mêmes contraintes que les autres secteurs d’activité ; en particulier pour intégrer les évolutions rendues nécessaires par la mise en place de la politique agricole commune. D’un domaine dans lequel l’initiative individuelle était traditionnellement très forte, on passe à une logique de planification, d’organisation, d’administration insupportable pour des professionnels qui travaillent avec de la matière vivante et donc avec des impondérables énormes.
Des questionnements pour l’avenir
Aujourd’hui de nombreux questionnements taraudent le monde agricole à propos de son avenir. Et cependant des pistes nouvelles s’ouvrent à lui pour les temps qui viennent.
D’abord il a bien intégré que son rôle de producteur alimentaire n’occupera plus qu’une partie de sa mission ; et qu’elle s’inscrira dans une exigence de qualité, rassurante pour le consommateur. C’est l’agriculture raisonnée et respectueuse de l’environnement ; c’est la production de denrées garanties pour la sécurité alimentaire. A cet égard, la crise de la vache folle fut gérée de façon exemplaire par les éleveurs qui ont réagi avec rigueur et efficacité pour éradiquer le problème pour les consommateurs.
Ensuite, l’activité se partagera vers des productions innovantes pour satisfaire des besoins nouveaux. Je pense en particulier à l’énergie verte que constituent le diester et l’éthanol qui, petit à petit, tendront à remplacer les carburants traditionnels pétroliers de nos véhicules. Des projets prometteurs sont en bonne voie actuellement. De la même façon l’équipement de chaufferies individuelles ou collectives à base de produits agricoles, se développe, répondant ainsi à des aspirations écologiques en termes de pollution mais aussi à des arguments économiques évidents et confirmés par la crise pétrolière que nous subissons actuellement.
Enfin, l’agriculteur assure aussi la sauvegarde du patrimoine rural constitué par des territoires riches de leur diversité. Patrimoine naturel bien-sûr mais aussi patrimoine architectural de nos villages.
Une volonté politique conjuguée à des atouts
Pour ma part, j’ai le sentiment que l’avenir de la France rurale passe par une politique économique ambitieuse, génératrice de revenus pour l’agriculture. Pour y parvenir, une nouvelle approche doit être engagée pour élargir la réflexion à tous les intervenants depuis la production agricole jusqu’au consommateur, en passant par les transformateurs, les distributeurs et tous les experts techniques et scientifiques qui oeuvrent dans le processus des filières agro-alimentaires ou industrielles.
Alors que nous assistons à un affaiblissement démographique agricole inexorable, il faut en revanche vanter les forces de la population agricole dont la capacité d’adaptation voire de mutation est un atout formidable dans ce contexte de mondialisation qui ouvre de nouveaux marchés.
Je suis persuadé que l’avenir sourira à ceux qui oseront innover, qui produiront la qualité, pour autant que les pouvoirs publics soient administrativement moins contraignants ; qu’ils leur restituent un droit à l’initiative et qu’ils initient une organisation des marchés qui ménage autant le producteur que le consommateur.
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